Déclaration de S.E.M Emmanuel ISSOZE NGONDET, Ministre des Affaires Etrangères ,de la Francophonie et de l’Intégration Régionale à l’occasion de l’Assemblée Générale de l’ONU de la Résolution sur la Surveillance du Trafic des Espéces Sauvages . New York, le 30 juillet 2015
Monsieur le Président de l’Assemblée générale,
Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais d’emblée vous dire ma joie d’être avec vous ce jour à l’occasion de cette séance plénière de l’Assemblée Générale.
Je m’en félicite d’autant plus que l’objet du projet de résolution sous examen, à savoir la lutte contre le braconnage et le trafic illicite d’espèces de faune et de flore sauvages, figure parmi les priorités de mon pays, le Gabon.
Aussi voudrais-je vous exprimer, à vous Monsieur le Président, et cela au nom de S.E. Ali BONGO ONDIMBA, Président de la République, Chef de l’Etat, mes remerciements pour avoir programmé cette importante session.
J’exprime ma profonde gratitude à l’Allemagne, en sa qualité de co-auteur de la résolution, mais aussi au Groupe d’amis qui se sont investis sans relâche tout au long des négociations.
A ces remerciements, j’associe naturellement l’ensemble des délégations pour le soutien constant manifesté tout au long du processus ayant abouti à ce projet de résolution.
Monsieur le Président,
C’est en 2013, ici même à l’ONU, que nous avons lancé cette initiative sur le braconnage et le trafic illicite des espèces de la faune et de la flore.
S’adressant au monde entier à cette occasion, le Président Ali BONGO ONDIMBA avait attiré l’attention sur les effets extrêmement désorganisateurs du braconnage et la nécessité d’agir rapidement, en coopération, pour lutter contre le phénomène.
Il avait pris soin d’indiquer que le braconnage des espèces sauvage était à la fois une menace environnementale, économique et sécuritaire.
Puis, il avait invité le Secrétaire Général de l’ONU à envisager de commettre un Envoyé spécial pour coordonner les actions multiformes à entreprendre dans le cadre de la lutte contre ce trafic.
A ce moment déjà, le phénomène représentait un commerce très rentable, une activité aux attraits démesurés dont les dividendes poussent les auteurs à braver tous les risques qu’elle comporte.
Prenons, par exemple, la situation des éléphants, emblème des ravages du braconnage en Afrique.
En 2006, il y’avait une population d’environ 550 000 individus. Aujourd’hui ils sont estimés à environ 470 000 sur tout le continent africain.
Au fil des années, la dévastation a atteint des proportions extrêmes : entre 20 000 et 30 000 éléphants sont tués chaque année.
Le Gabon, qui accueille plus de la moitié des éléphants de forêt d'Afrique, est lui aussi lourdement frappé par le fléau. Depuis 2004, près de 20.000 éléphants ont été tués dans l’ensemble des parcs nationaux que compte le pays.
La menace que constitue le braconnage a atteint des proportions de plus en plus grandissantes aujourd’hui.
Le trafic illicite d’espèces sauvages est estimé à environ 19 milliards de dollars par an, et représente le 4ième trafic illégal au monde.
Ce trafic à un impact néfaste sur l’environnement. Il représente un risque pour la santé. Il constitue un frein pour l’économie.Et, en fin de compte, il est une menace sécuritaire dans certaines régions, en Afrique particulièrement.
Monsieur le Président,
L’impact du trafic illicite des espèces sauvages sur l’environnement n’est plus à démontrer. Il contribue considérablement au déséquilibre écologique des forêts. La pression qu’il exerce sur la faune compromet la capacité de nombreuses espèces à survivre. Si nous n’agissons pas dès à présent, leur extinction pourrait devenir une forte probabilité.
Le trafic constitue un risque pour la santé. En effet, le caractère clandestin du braconnage augmente le risque de propagation des maladies. De nombreuses espèces traversent les frontières et échappent au contrôle des services de santé.
Selon des études du WWF, ce trafic représente au moins un quart du nombre total d’animaux commercialisés dans le monde. L’OMS estime, quant à elle, que près de 75% des maladies émergentes sont transmises à l’homme par les animaux sauvages.
Le trafic entrave le développement économique. Les braconniers et autres trafiquants perturbent la stabilité des entreprises exerçant dans des zones reculées.
L’instabilité causée par les attaques régulières de ces trafiquants est de nature à dissuader les investissements. Elle entrave, par dessus tout, la mise en œuvre des programmes de développement viables. L’industrie de l’écotourisme est particulièrement affectée, or celle-ci constitue l’une des sources les plus fiables de revenus et d’emplois pour les populations locales.
Le trafic illicite d’espèces est une source d’instabilité nationale et régionale.
Devenu une forme de crime transnational organisé, le trafic met en jeux des bandes armées migrantes et bien structurées, souvent dotées d’un arsenal de guerre plus puissant que celui des armées régulières.
On a relevé que depuis quelques années, les groupes armés et terroristes opérant en Afrique notamment, s’alimentent du braconnage et du trafic illicite des espèces de la faune et de la flore.
Ce trafic génère des fonds illégaux permettant à ces groupes d’acquérir des armes. Il s’inspire désormais des méthodes des trafiquants de drogues et contribue ainsi à la prolifération des armes en Afrique.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs
Face au trafic illicite des espèces sauvages, nous n’avons d’autre choix que de coopérer. Aucun Etat ne peut surmonter ce phénomène tout seul.
Comme pour le trafic de la drogue et la traite humaine, nous faisons face à des réseaux criminels internationaux bien organisés, avides de gain. Une action concertée de la communauté internationale me paraît indispensable.
Les pays d’origine, de transit et de destination doivent travailler ensemble. Aucun résultat durable ne sera atteint si cette chaîne manque de solidité.
Dans la chaîne, il n’y a pas d’un côté les pays plus concernés, et de l’autre ceux qui le sont moins. Il est une vérité que nous ne saurions taire : le manque d’implication des uns amenuisera l’efficacité de nos approches et contribuera ainsi à l’enracinement et à la perpétuation du phénomène.
C’est dans la solidarité, c’est dans la coopération que nous ferons œuvre efficace. Tel est le sens de la démarche menée par le Gabon, l’Allemagne et le Groupe d’amis.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Depuis longtemps, le Président de la République, S.E. Ali Bongo ONDIMBA, s’est lui même inscrit dans un engagement constant, interpellant la communauté internationale à chaque fois qu’il en a l’occasion.
A Marrakech, en mai 2013, avec certains de ses pairs africains, il a souligné la nécessité d’ériger ce trafic au rang de crime grave
A Paris, au mois de décembre 2013, il a dénoncé les activités des braconniers et mis en exergue le lien entre braconnage et instabilité nationale.
A Londres, en février 2014, il a réitéré l’importance d’une action internationale rapide.
A Kasane, en mars 2015, il a appelé au renforcement des mesures contre le commerce illicite d’espèces de faune et de flore sauvages.
Au plan national, le Chef de l’Etat a très tôt posé des actes symboliques de très grande portée.
C’est ainsi qu’au mois de juin 2012, il a fait brûler le stock d’ivoire du pays au nom de la protection des éléphants.
A sa diligence, le Gouvernement a entrepris, avec la plus grande détermination, de renforcer le régime juridique des sanctions à l’encontre des trafiquants afin de le rendre plus dissuasif.
Par ailleurs, des programmes de renforcement des capacités des éco-gardes, chargés de la surveillance des parcs nationaux, sont développés avec le soutien des partenaires et des pays amis.
Il y a donc au Gabon une détermination manifeste à éradiquer le trafic illicite d’espèces de faune et de flores sauvages.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Le projet de résolution que nous examinons, parrainé par plus de 70 Etats, présente assurément une opportunité pour coordonner nos actions.
Il nous offre l’occasion de mettre en place un mécanisme global qui prendrait en compte toutes les dimensions du phénomène.
L’Assemblée générale des Nations Unies nous paraît une plateforme politique importante pour réaliser cet effort.
Je ne peux que me féliciter de ce que le projet de résolution prend en compte les dimensions du phénomène mises en relief dans notre perception.
Il évoque, entre autres, les dommages causés par le trafic sur les écosystèmes. Il souligne l’importance de renforcer la coopération internationale afin que des actions efficaces soient menées pour agir à la fois sur l’offre et sur la demande.
Il prend en compte l’impact du trafic sur les conditions de vie des populations, en particulier celles vivant de l’écotourisme.
Il encourage les États à renforcer les politiques de développement durable et à rechercher des modes de vies alternatifs pour les communautés rurales affectées par le braconnage et le trafic illicite.
Par ailleurs,la résolution reconnaît que le phénomène est une forme de crime transnational organisé et représente de ce fait une menace immédiate non seulement pour la faune et la flore, mais aussi pour la sécurité, l’Etat de droit et la bonne gouvernance.
Ainsi donc, la résolution invite à une coopération et coordination régionale plus accrues. Elle appelle les Nations Unies, surtout ses institutions spécialisées, à poursuivre son appui aux États membres par le biais notamment du renforcement des capacités.
Enfin, elle prévoit la possibilité pour le Secrétaire Général de designer un Envoyé spécial qui serait chargé de susciter un intérêt et un appui marqués sur ce phénomène. Le Secrétaire Général est aussi invité à présenter un rapport annuel.
Je ne peux donc que recommander son adoption, étant persuadé que, tant dans sa forme que dans son contenu, ce projet est la synthèse des différents points de vues des Etats membres sur le sujet.
Pour conclure, Monsieur le Président,
Permettez-moi de remercier toutes les délégations qui ont participé aux négociations. Elles ont fait montre d’un sens du compromis qui nous aura permis de conclure les débats dans une note positive.
Je voudrais également remercier toutes les agences des Nations Unies et les organisations non gouvernementales qui ont pris une part active tout au long du processus.
Enfin, je rends hommage à tous les Etats qui ont accepté de parrainer de cette résolution et souhaite que celle-ci soit adoptée par consensus.
Je vous remercie de votre aimable attention.